
Interview exclusive de Jonathan Bourgault (première partie)
Jonathan vient de finir son cours secondaire lorsqu’il quitte Montréal et le Québec pour l’Allemagne. Petit prodige du ballon rond dans son premier club à Pierrefonds, il joue ensuite pour les Lakers du Lac Saint-Louis et entre au Centre national de haute performance, le programme de sport-études de la Fédération de soccer du Québec. Alors qu’il voyage partout dans le monde, un agent, qui est aussi avocat, l’approche et lui propose d’intégrer un club belge ou français.
Finalement, ce sera le FC St Pauli, à Hambourg.
Nous avons décidé de retrouver Jonathan et d’évoquer avec lui son passage au club ainsi que sa nouvelle vie. Il a joué le jeu et magnifiquement, ce dont nous le remercions encore une fois du fond du cœur.
Voici l’interview qu’il nous a accordée il y a quelques jours, en exclusivité pour la communauté francophone des fans du FC St. Pauli.
1- Merci d’avoir accepté de répondre aux questions que la communauté francophone des fans du FC St. Pauli se posent à ton sujet. La première question est : Comment vas-tu ? Que deviens-tu ?
Je vais très bien merci. Nous sommes toujours en confinement au Canada depuis dimanche, le 15 mars exactement. Ma femme, nos familles et nos amis se portent bien malgré la situation. Ce n’est pas facile, mais il y a une énorme solidarité ici au pays. Mis à part la situation Covid-19, je vais très bien personnellement. J’ai terminé mes études en Droit à l’Université de Montréal, je travaille en tant qu’analyste sportif à la télévision pour certains matchs de la MLS en Amérique du Nord. Nous venons de lancer une agence de représentation sportive. Ma femme est enceinte et elle devrait accoucher à la mi-juin. Nous attendons un petit garçon.
2- Comment ce sont passées ces 5 années (à quelques mois près) au club ?
J’ai un seul mot pour définir le tout: ¨Incroyable¨. Du jour un au dernier, j’ai adoré mon passage au club et j’ai eu la chance de vivre plusieurs moments inoubliables. À mon arrivée, le club a tout fait pour que je me sente confortable et à l’aise. Du staff technique (Holger Stanislawski, André Trulsen, KP Nemet et Andreas Bergman) aux joueurs, Hambourg est rapidement devenu ma deuxième maison. Ian Joy m’a pris sous son aile et est devenu un grand frère pour moi, de même que Moriké Sako et Abdou Sall par la suite. Le club, la culture du club, les entraîneurs, les joueurs ainsi que les partisans ont fait en sorte que la décision de signer au club a été facile pour moi. Au cours de ces 5 années passées au club, j’ai grandi sportivement en tant que joueur, mais également en tant que personne. Je suis arrivé à l’âge de 16 ans et j’ai eu la chance de jouer en D3 et Bundesliga 2 et personne ne peut me l’enlever. Ce fut un honneur pour moi de participer à cette histoire et d’avoir porté ce maillot. J’ai eu la chance de faire la montée en Bundesliga 2 en 2006-2007, à ma première saison chez les professionnels. De vivre cela à mes débuts était incroyable. De voir le Millerntor exploser après la montée, ce sont des images que je ne peux expliquer. Par la suite, les années en 2.Bundesliga, c’était un rêve devenu réalité de jouer contre les clubs comme Fc Köln, Mönchengladbach, Kaiserslautern, Munich 1860 et j’en passe, tous des clubs que je regardais à la télévision plus jeune au Canada. Mais, ce qui m’a le plus marqué de mon passage au FC St. Pauli, c’est à quel point nous étions unis, c’était cela le FC St. Pauli. Ça se ressentait sur le terrain, aux entraînements, lors des matchs au Millerntor ou à l’extérieur. Nous arrivions sur le terrain avec une telle confiance, nous étions prêts à tout laisser pour nos coéquipiers et nos fans. La montée en Bundesliga a été un autre moment extraordinaire. Cette année là fut l’une des plus belles de ma carrière. Au cours des 5 années, l’esprit d’équipe était notre force, d’autant plus que les supporteurs ont toujours été là pour nous. J’ai eu la chance de côtoyer de très bons joueurs, mais surtout des personnes exceptionnelles. Nous sommes devenus une grande famille et c’est pour cela que j’ai adoré mon séjour au club. Nous ne pouvons le cacher, la ville de Hambourg est tout simplement magnifique.
3- Tu es l’un des Canadiens (avec Junior Hoilett et Jonny Sulentic entre autre) à avoir joué pour le FC St. Pauli. As-tu côtoyé des joueurs francophones lors de ton passage au club ?
Oui, j’ai eu la chance de côtoyer plusieurs francophones au club. Déjà à ma première année au club, il y avait plusieurs francophones. Abdou Sall et moi sommes arrivés au même moment. Moriké Sako est arrivé 6 mois plus tard. Michel Dinzey était là également. Comme mentionné à la question précédente, ce sont des joueurs qui sont devenus de grands frères pour moi et à ce jour, nous sommes toujours aussi proches que nous l’étions en 2005-2006. Moriké Sako était à mon mariage à Montréal au mois de mai l’année dernière. Par la suite, il y a eu Marc Gouiffe à Goufan et Richard Sukuta Pasu. C’était bien de pouvoir parler français ou même anglais, mais le plus important pour nous était de nous intégrer rapidement à la culture allemande et donc d’apprendre l’allemand le plus vite possible. Nous avions des cours d’allemand au centre d’entraînement Kollaustrasse, et j’avais la chance d’avoir des cours à la Jungen Talent House où j’habitais à l’époque avant de signer mon premier contrat pro. Au centre d’entraînement, nous parlions toujours en allemand par respect pour nos coéquipiers. Il ne faut pas sous-estimer le français de Fabio Morena, KP Nemet et Pedro Gonzalez. Ils m’ont aidé à mon arrivée et tout au long de mes cinq années au club.

Crédit photo : imago/Revierfoto
4- À ton arrivé au club fin 2005, savais-tu dans quel type de club tu allais atterrir ? Tu n’as pas été étonné de cet engagement extra-sportif des fans d’un club de football ?
Je me rappellerai toujours de ma première journée en Allemagne en septembre 2005. Mon agent-avocat était venu me chercher à l’aéroport de Francfort et nous sommes partis en direction de Wuppertal pour l’affrontement Wuppertal – FC St. Pauli. Nous avons regardé le match et par la suite je suis parti avec les médecins et physiothérapeutes en direction d’Hambourg. Le club m’avait logé dans un bel hôtel tout près de Millerntor, mais je n’avais aucune idée de l’histoire du club et celle du quartier. Le lendemain, en prenant une petite marche dans le quartier, je me suis retrouvé sur la Reeperbahn. Un jeune canadien de 16 ans qui débarque à Hambourg et se retrouve dans le red light district. Nous en rions encore aujourd’hui. J’ai été très étonné de l’implication et de l’engagement social des partisans. À chaque année, et cela se fait encore aujourd’hui, les partisans nous faisaient un tour guidé du quartier St.Pauli pour nous expliquer l’histoire et les valeurs du club. J’ai compris très rapidement que le FC St. Pauli n’était pas seulement un club de foot, mais un club qui, de par ses partisans, est très impliqué dans la communauté. L’identité du club a été bâtie par ses partisans et ces derniers ont fait de ce club quelque chose de spécial. Oui, en tant que joueur et partisan de foot, nous voulons gagner des trophées, nous rendre au plus haut niveau et obtenir de grosses signatures, mais St. Pauli c’est plus que cela. Le souci des enjeux sociaux est extrêmement important. Prenons pour exemple l’implication du club dans certaines causes comme Viva con Agua ou le tournoi international anti-raciste et j’en passe. Le Fc St.Pauli, c’est la lutte contre les discriminations, un club anti-raciste, anti-faciste, anti-homophobe, c’est les concerts et les célébrations. C’est un club qui prône le respect, la tolérance et veut impliquer la communauté. Je me suis rapidement identifié au club en raison de ses valeurs. Quand nous étions sur le terrain du Millerntor, nous nous donnions à 100% puisque nous nous battions pour plus que l’écusson et les trois points.

La saison 2003/04 par son maillot
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