
Un autre football est possible : du football allemand au modèle St. Pauli (1)
Nous allons pendant quelques semaines vous proposer la lecture d’une série d’articles signés Stefano Severi qui a interviewé nos camarades des Brigate Garibaldi pour le site TuttoCesena dans le cadre de son enquête sur le modèle allemand de football. Le FC St. Pauli y est très présent car les Brigate Garibaldi sont un fanclub important de la scène des fans du FCSP.
C’était le 6 mars il y a 7 ans que les ultras de Cesena, avec une déclaration signée par des représentants importants de la scène des fans bianconeri, se sont opposés à la création de la naissance de Cesena per Sempre pour relancer à la place le “modèle St. Pauli”. “Non à la folie du financement populaire”, disait le communiqué de presse que vous pouvez relire sur TuttoCesena : « Faisons un véritable associationnisme sportif comme au St. Pauli, le club détenu par 13.000 fans !!! [..] Des fans qui VOTENT et DÉCIDENT, pas des vaches à traire ou des moutons à tondre en fonction des besoins ». Le communiqué de presse se terminait par une exhortation : “Nous voulons un véritable associationnisme sportif sur le modèle du ST. PAULI !!!“.
À partir de ce moment-là, le “modèle St Pauli” est devenu une sorte de mantra, souvent mentionné dans les discussions du club, qui est entré avec force dans le lexique des supporters du Cesena. Mais que prévoit exactement ce modèle, qui en réalité n’est pas un actionnariat populaire (malheur à l’appeler ainsi auprès des Braun-Weiss de Hambourg !) Et comment ça marche ?
Considérant que de nombreuses réflexions de ce communiqué de 2013 sont très actuelles, y compris la phrase sibylline destinée au maire d’alors – que Lucchi et les politiciens prennent le problème sur leurs épaules et cessent de donner de la crédibilité aux personnes et aux projets qui ont échoué dès le début – et que de nombreuses prévisions sont devenues réalité, nous sommes également allés enquêter sur la question de St Pauli. Nous l’avons fait en allant directement à la source, c’est-à-dire dans le quartier portuaire de Hambourg, pour rencontrer la première association officielle associée au FC St. Pauli entièrement fondée par des Italiens. Ce sont les “Brigate Garibaldi” qui nous accompagneront dans notre enquête pour comprendre comment fonctionne le football allemand et à quels modèles Cesena et, plus généralement, un nouveau football italien pourraient aspirer.

Commençons par les présentations : qui êtes-vous ?
Nous sommes les Brigate Garibaldi, une association de supporters italiens, reconnue comme fanclub officiel du FC St. Pauli dont elles partagent le mouvement social et politique, ainsi que sportif. Les Brigate ont été fondées il y a environ un an, le 27 janvier 2019 et sont officiellement reconnues depuis le 1er juillet, soit depuis le début de la nouvelle saison sportive. Sur les 8 membres fondateurs, la moitié est originaire de Hambourg et l’autre moitié vit en Italie : Novare, Parme, Pérouse et Rome.
Que signifie partager le mouvement social et politique du FC St. Pauli ?
Pour l’expliquer, il faut ouvrir une longue parenthèse : c’est-à-dire raconter comment fonctionne le Fußball en Allemagne. Par règlement de la Fédération allemande de football, la DFB (homologue de notre FIGC), toutes les équipes doivent être des associations et non des clubs. Autrement dit, elles doivent d’abord être inscrites au registre national des associations : quelque chose comme nos ASD[1], même si en Allemagne toutes les associations sont similaires – elles ne diffèrent que par leur nom et leur statut – et surtout les associations peuvent faire du profit. En particulier, celles d’Erste, de Zweite et de Dritte Bundesliga, homologues de nos Serie A, B et C, gouvernées par la même Ligue (et pas trois différentes comme en Italie), la DFL, sont reconnues comme des entreprises professionnelles.
D’où vient cette obligation de créer des associations et non des clubs ?
Historiquement, le mouvement associatif en Allemagne est unifié et a toujours été la pointe organisationnelle des différents États allemands depuis les années 1800, en Prusse, en Bavière puis dans l’Allemagne de l’après seconde guerre mondiale. Toutes les équipes sont des “eingetragener Verein”, ou associations enregistrées, du Bayern Munich au FC St. Pauli, et par conséquent en tant qu’associations, elles sont ouvertes à tous. Tout le monde peut y adhérer : c’est l’esprit allemand. Les seules exceptions sont Bayer Leverkusen, Wolfsburg et Osnabrück : les aspirines et les loups sont nés respectivement comme clubs d’entreprises des sociétés pharmaceutique Bayer et automobile Volkswagen, de sorte que seuls les travailleurs de ces sociétés peuvent en faire partie. Osnabrück, quant à lui, est né d’associations catholiques telles que nos ACLI[2] : mais ce sont là les seuls clubs avec une “restriction d’accès”.
Dans le domaine du sport allemand, les statuts de la DFB et de la DFL exigent l’enregistrement d’associations uniquement “ouvertes” pratiquant des sports (donc sportives), ouvertes signifiant à tous et pour tous. Leverkusen et Wolfsburg sont également des associations ouvertes au développement du sport mais uniquement aux travailleurs et aux membres de leur famille[3] (comme c’était à l’origine le cas du sport en Europe), elles sont donc acceptées par la DFB et la DFL.
Comment fonctionne une équipe de football, ou plutôt une association allemande, dans le détail ?
Chaque association a ses propres statuts, déposés auprès de la DFB et de la DFL, et tous les membres qui participent à des activités politiques, sportives et sociales s’y réfèrent. Il est important de souligner comment le mouvement associatif naît également pour sauvegarder les valeurs sociales de l’Allemagne. Chaque statut soutient et est rédigé de manière ad hoc pour sa zone et a sa propre tradition historique et culturelle à la base. Alors qu’en Italie les traditions sont détruites – regardons ce que Pallotta a fait à Rome – en Allemagne, elles sont protégées et valorisées. Par exemple : le Schalke 04 est originaire de Gelsenkirchen, dans la Ruhr, région de mines et de mineurs et déclare dans ses statuts qu’elle a une responsabilité sociale envers les mineurs comme ceux qui ont fondé l’association. De même, le Bayern Munich défend les traditions bavaroises et ainsi de suite : cette responsabilité sociale est le cordon ombilical entre le peuple et l’association.
Comment fonctionne une association allemande en détail ?
En règle générale, il y a le Conseil de Surveillance qui contrôle le Conseil d’Administration, lequel est élu par l’Assemblée Générale. Ensuite, le Conseil d’Administration propose généralement les noms des présidents à l’assemblée – ils peuvent être 3, 5, 7 et même 9 – et le plus voté devient le premier président. Ensuite, il y a les différentes commissions, qui représentent les divisions de l’association : il y a celle du football masculin, puis celle du volley-ball, du basket-ball, etc. Au FC St. Pauli, nous en avons un pour le football pour aveugles, l’athlétisme, le triathlon, etc. Chaque association a des commissions différentes, devenant un peu un club omnisport, et c’est une autre grande différence avec l’Italie : le fait demeure que l’association est toujours au-dessus de chaque commission.
Ce modèle représente-t-il également un avantage économique pour l’association elle-même ?
Bien sûr, même si le Bayern Munich avec ses 280.000 membres soit la plus grande association au monde. Chaque année, grâce à leur cotisation, ces membres versent environ 30 millions d’euros dans les coffres des rouges et blancs, ce qui représente un revenu supplémentaire en plus des sponsors et des droits télévisuels. Ces 30 millions, cependant, vont non seulement à l’équipe de football, mais sont tous réinvestis dans les différentes commissions : par exemple, les équipes de football féminin et de basket-ball masculin domine leurs ligues respectives.
Mais le modèle associatif n’est pas seulement allemand…
Non, le Boca Junior, par exemple, a un statut similaire à celui des associations allemandes, ou encore on pourrait mentionner le Sporting Lisbonne qui avec ses 260.000 membres est la deuxième association au monde après le Bayern. Enfin, les associations augmentent et diffusent le sport parmi leurs membres : ce n’est pas un hasard si en Allemagne il y a 9 millions de pratiquants de sport enregistrés sur un total de 80 millions d’habitants alors qu’en Italie il n’y en a que 1,9 sur 60 millions d’habitants.
[1] Associazioni Sportive Dilettantistiche : associations sportives amateures (NdT).
[2] Associazioni Cristiane Lavoratori Italiani : Associations Chrétiennes des Travailleurs Italiens (NdT).
[3] Historiquement, toutes les associations sportives sont nées comme des activités post-travail dans la période de l’industrialisation, en particulier dans les domaines de la chimie et des mines et sont devenues des associations sportives (eingetragen Verein) au moment de la révolution politique et aujourd’hui, seules quelques-unes conservent encore le nom de BSG (post-travail).
Crédit photo principale : fearthewall.com
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